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La médecine des aspérules

De retour de la forêt enchantée, nous partageons avec vous l’une de ses précieuses leçons…

Dans la forêt enchantée poussent les aspérules

Je vais pieds nus au milieu d’elles

Blanches délicates au parfum silencieux

Et les calaments des bois, froissés sous mes genoux

Sentent doucement la menthe quand

Je m’assois pour la cueillette.

Les fleurs minuscules des aspérules lèchent le soleil

Qui s’étale en flaques mouvantes sous les vieux hêtres. Je cueille lentement, en murmurant une berceuse, je coupe la tige sous le cercle des sept feuilles pointues qui fait comme une coupe sous la fleur. J’y laisserais bien mon cœur pour quelques saisons. Blotti là, dans l’ombre pailletée de la forêt ancienne. Nourri des rayons blonds et des averses tièdes. Battant au rythme des longues tiges vertes. Et rien d’autre. Que me faut-il de plus ? Depuis plusieurs nuits je dors à la lisière des bois. Je me lave à l’eau de la source. Je mange les légumes que j’ai apportés mélangés aux pâtes et aux herbes sauvages. Mon seul luxe est la bière ouverte tous les soirs devant le soleil qui se couche, et partagée avec mon bien-aimé. Je fais la sieste au soleil des clairières, et je marche parmi les tapis d’aspérules. Dans la forêt enchantée, la vie est simple et précieuse. Chaque fleur cueillie est sacrée.

Sacrée aussi la rosée du matin, la biche que je regarde passer. Les appels du pic noir coulés comme des sanglots aux cimes secrètes des arbres. Sacrée la tique qui grimpe le long de ma jambe. Je la prends doucement et la dépose ailleurs. Je me souviens

Qu’elle était ici avant moi

Et qu’elle garde le temple tout comme

Les blanches fleurs, menues et discrètes, qui frôlent mes chevilles.

Je leur laisse

Une poignée d’herbes séchées venues de mon jardin,

Une offrande

Pour que l’équilibre soit maintenu,

Que celui qui offre soit remercié,

Que celui qui reçoit donne en retour.

Dans la forêt enchantée il y a des lois anciennes et sages, les hommes les ont perdues parfois,

Mais elles restent écrites aux racines des arbres,

Aux infimes filaments de mycellium qui, depuis toujours,

Donnent et reçoivent

Et s’étreignent dans l’obscurité de l’humus.

Je le sens si fort, là, dans l’auréole dressée du soleil de juin,

Ce lien, cet équilibre sacré. Le bouquet de fleurs porté à mes lèvres

Me le murmure encore. Que me faut-il de plus ?

Les blanches aspérules au parfum silencieux

Gardent le mystère de ces lois sacrées.

En séchant elles soupirent une odeur divine et sucrée

Un parfum enchanté.

Quand j’aurai quitté la forêt ancienne

Pour marcher à nouveau sur la fêlure du monde

Elles seront avec moi

Elles raconteront les histoires oubliées

Et je me souviendrai.

la naissance des faons

Le mois de juin arrive, il est temps pour nous de quitter le monde des hommes pour retrouver la forêt enchantée où les faons viennent tout juste de naître. Voici le récit d’un des précieux instants trouvés au fond des bois….

La bonne fée

Dans la forêt enchantée, aux premiers jours de juin, les faons naissent entre les cuisses veloutées des biches. Ils glissent doucement dans l’herbe grasse des clairières, mouillés et surpris. La Terre est leur berceau, la grive musicienne chante au-dessus. Et les mouches déjà ronronnent.

J’attends leur venue, roulée dans l’aube frileuse, ou blottie au tronc d’un vieux hêtre. Immobile, silencieuse. Et patiente. La vie prend son temps pour grandir ici, et la hâte n’a pas sa place. Les heures fondent aux branches dansantes des arbres, la lumière du matin arrive comme un miracle. Dans l’immense forêt sauvage, je sais que quelque part un faon est en train de naître. Léché tendrement par sa mère. Je sais, et cela me suffit. Je le verrai peut-être passer un peu plus tard, rêveur et maladroit, aux flancs de la biche aux aguets. Ou peut-être pas. Qu’importe. Nous partageons pour quelques jours le parfum âpre de la forêt, les ronds blonds que le soleil jette à travers les feuilles et qui tremblent sur la mousse. Nous partageons le vent et la caresse argentée des averses. La douceur blanche des aspérules et le cri du pic noir quand il fait glisser sur les arbres son voile de mélancolie. Nous partageons ce petit morceau de vie fragile et lumineuse.

Tapie dans l’ombre, je pose lentement une main sur la Terre et je murmure tout bas une bénédiction. Que la vie, petit être, te soit douce et facile. Que la forêt te garde en sécurité. Que ton herbe soit verte et nourrissante et que les fusils se détournent de toi et des tiens. Je viens pour cela et pour rien d’autre, ces quelques mots confiés au vent tiède du mois de juin. Ma prière de bienvenue. Et quand une biche passe avec son faon éclaboussé de rosée, je me penche à peine, derrière le frou-frou vert des feuilles, et je souris sans qu’ils me voient. Comme la bonne fée sur le berceau d’une princesse.

Pourtant le lièvre…

Pourtant les violettes s’ouvrent dans la prairie mouillée. Les crocus fanent à côté, pâles et souriants. Pissenlits et plantains, un peu plus loin, dressent bravement la tête au milieu des herbes jaunies de la saison passée. Je reviens du torrent, j’ai encore la chanson de l’eau dans la tête, comme ces refrains qui s’attardent et qu’on fredonne sans même y penser.

Et cette autre musique, sombre et obstinée, le requiem d’un monde trébuché, la brûlure du monde, je n’ai même pas besoin d’écouter les informations pour la sentir, je l’ai plongée à l’onde fraîche du ruisseau, mais elle gémit encore, lancinante sous la peau.

 

Pourtant ma marche est tranquille, et la terre

Infiniment douce sous le pied.

Le soleil arrange tendrement son nid derrière les cimes d’arbres

Et se berce en frissons dorés.

Et puis

Juste là sous mon pas

Dans ce creux de prairie

Un lièvre a laissé quelques poils accrochés à l’herbe

Elle semble plus verte au mystère de son passage.

J’aime cette manière de deviner les animaux sauvages, sans les voir. Sans la crainte de les effrayer ni l’envie de les retenir. Ils ne sont plus des visions qui s’éloignent et qu’on croit avoir rêvées. Je les sens finalement plus réels et plus proches dans les poils, plumes, empreintes que je trouve, dans les coulées frottées de leurs odeurs, dans les crottes luisantes qui racontent leur repas et un peu de leur histoire. Et je peux prendre le temps de les rencontrer.

La petite touffe de poils, dans ma paume de main ouverte, est toute légère. Je la regarde longuement, la bourre blanche et cotonneuse, douce comme un duvet d’oisillon. Et les longs poils sombres, avec juste cette touche délicate d’ambre vers le haut, pas tout à fait au bout, une égratignure de soleil qui s’allume comme un enchantement.

Il s’est couché dans les plis de l’aube

Peut-être

A-t-il vu, lui aussi, le fin croissant de la lune d’hier

Elle cligne malicieusement de l’oeil

Et l’étoile du berger

Sagement assise à côté. Peut-être

Fait-il osciller, très lentement, ses longues oreilles pointées

Aux murmures infimes de la nuit.

Elles attrapent des sons que j’ignore,

Le frottement d’un insecte sur un brin d’herbe,

Le battement de la terre sous le pas du chevreuil, le gémissement

D’une feuille morte enlacée par le vent.

Le souffle des ailes de la chouette juste avant

Qu’elle fonde sur sa proie.

Si j’étais là, entendrais-tu

Mes yeux qui se ferment

Et mon cœur qui bat ?

Il s’est gratté sous les étoiles

Peut-être

Et s’est endormi ici, sans faire de manière.

Le lièvre n’a pas de maison,

Ni terrier, ni tanière, ni fissure rassurante, ni même

Le réconfort d’un autre où se blottir.

Il dort nu comme un mendiant, la terre est son berceau, et le ciel silencieux

Son unique gardien.

Il n’a que son corps pour refuge, vivant et chaud et alerte, sous les poils sombres.

Je me demande comment c’est

Cette vie de vagabond, et s’il a peur

Comme mon monde quand

Ses remparts s’écroulent

Quand ses innombrables assurances ne lui servent plus à rien

Quand il chancelle et réalise qu’il ne peut pas tout contrôler.

Je m’assois dans l’herbe mouillée

Où il s’est couché, je n’ai pas besoin de fermer les yeux

Pour sentir ce qu’est la vulnérabilité.

Elle va avec la vie, mais parfois je l’oublie.

Parfois je me cramponne à des rubans légers, à des promesses sans racines, et je voudrais

Tellement, tellement

Que quelqu’un me jure que tout ira bien.

Le chant des oiseaux ce soir est un vertige limpide

Et ne fait aucun serment.

Le soleil rabat sa capuche sur ses lèvres serrées

Puis disparaît, l’herbe a trempé mes cuisses.

Je frissonne doucement. Tout peut arriver. C’est la vie

Incertaine et sauvage.

Pourtant

Le lièvre a dormi dans la prairie.

L’Arche de Jörmungandr

L’arche de Jörmungandr

Odin convoqua Loki et, d’ un air sévère, lui dit «  tu as des enfants Loki »

Loki prit son air innocent et répondit «  Bien sûr Odin. Mon épouse, Sigyn m’a donné deux très beaux fils. J’ai beaucoup de chance »

« Pas ces enfants là », rugit Odin. « Tu as passé du temps loin d’Asgard dernièrement . Et pendant tes absences, tu as partagé le lit de la géante Angerboda. Elle t’ a donné trois enfants. Des enfants monstrueux. Je l’ai vu. »

Loki avait beau être maître dans l’art du mensonge et de la manipulation il ne pouvait pas nier ce qui avait été révélé à Odin.

Odin craignait que les trois monstrueux enfants de Loki deviennent grands et puissants et qu’ un jour ils représentent une menace pour les Dieux. Aussi, il envoya les Dieux Thor et Tyr les capturer.

Après un long et dangereux voyage vers le royaume des géants de glace, ils parvinrent à capturer les enfants qui jouaient sans protection dans la demeure d’ Angerboda.

Ayant ramené les enfants à Asgard, Thor et Tyr les présentèrent à Odin afin qu’il décide de leur sort.

Le premier enfant, une fille, nommée Hel, était bien étrange. La moité de son corps était celui d’une belle jeune fille pleine de fraîcheur, mais si on se tenait de l’autre côté, on voyait le profil terrifiant d’un cadavre. Odin décida de l’envoyer à Niflheim créer son propre royaume, Helheim, où elle régnerait sur les morts. Hel préférait la compagnie des morts, qui la regardaient avec respect, là où les vivants la regardaient avec horreur. Aussi, elle remercia Odin et partit.

Le deuxième enfant était un loup redoutable nommé Fenrir. Craignant sa force et sa puissance, les Dieux réussirent à tromper Fenrir en le convaincant de se laisser attacher par jeu avec la chaîne Gleipnir, une chaîne magique qu’aucun être ne pouvait briser. Cette trahison coûta à Tyr son bras droit, qu’il avait placé dans la gueule du loup en gage de bonne foi !

Le troisième enfant était un serpent du nom de Jörmungandr. Jörmungandr crachait du poison puissant et il ne cessait de grandir alors Odin décida de le jeter à la mer, là où il ne présenterait aucune menace pour les hommes et pour les Dieux. Aujourd’hui il est devenu tellement grand qu’il encercle tout Midgard, la terre des hommes, mais avant d’atteindre cette taille, il a laissé quelques traces de son passage.

Les eaux se déchaînent après le passage agité de Jörmungandr.

Nous ne savons pas précisément où Jörmungandr a été jeté à la mer, mais je suis certain que ce fût sur la péninsule de Snaefellsnes en Islande. Il a été relâché sur les rivages de Djupalonssandur. Pris de colère il a brisé la roche pour passer au travers laissant un trou de la taille d’un homme. Vous pourrez encore voir ce trou au-dessus des pierres à soulever avant d’arriver à la plage. La mer de Djupalonssandur est encore déchaînée après l’agitation de Jörmungandr, furieux de se retrouver dans cet océan glacial.

Le temps d’arriver jusqu’à Arnarstapi, il était déjà devenu énorme, comme en témoigne l’arche de Gatklettur avec son trou parfaitement rond, créé lorsque Jörmungandr à glissé à travers la roche de lave.

Il fit encore deux trous géants dans les falaises avant de disparaître dans la mer et des vagues jaillissent encore aujourd’hui de ces gouffres pour surprendre les promeneurs.

Si vous avez la chance de vous promener le long des côtes sud de Snaefellsnes vous pourrez voir les traces de ce passage plein de puissance et de furie. Espérons que vous ne verrez pas le serpent de Midgard lui-même !

La tête immense du serpent de Midgard.

Une histoire de mousse en Islande

La mousse d’Islande, elle me parle d’abord de douceur. Ma main se pose sur elle, c’est bon, un accueil tiède et sans condition. Je crois que c’est la première chose que les autres voient en moi, la douceur. Je n’ai jamais appris cela, cette ouverture enveloppante, apaisante, moelleuse, c’est juste qui je suis. Ce n’est pas toujours facile, souvent j’aimerais être autre chose, j’aimerais des remparts solides autour, de hautes tours imprenables, des forêts d’épines, et un cœur moins sensible. Mais quand je me veux dure et ferme, je ne me reconnais plus.

Je marche à pas délicats sur la mousse, je fais attention à mes appuis, légère comme un souffle d’ange, et, malgré toute ma tendresse je la déchire parfois. Il me faut ôter mes chaussures, aller pieds-nus, infiniment lentement sur le tapis ondulant, et alors je peux me laisser recevoir sans la blesser. Mousse vulnérable. Encore, je me retrouve en elle.

Je me suis couchée là, ma joue sur sa caresse verte et je l’écoute me parler de la fragilité. Il suffit de gratter là du bout de l’ongle, à peine, pour t’arracher. Tu es sans racines, tu ne tiens en place que par ta faculté à embrasser le monde, une pierre, un bout de bois. Ici tu enveloppes la roche volcanique dure et noire, et, du champ de lave désolé, de ce chaos d’amertume figé, tu fais un berceau de douceur.

 

Fidèle à ta fragilité, tu restes collée à la terre, tu ne cherches pas à conquérir le ciel, à t’exposer à la violence du vent. Car c’est seulement lorsque tu es dans un environnement propice que tu peux déployer toute ta magie. L’oreille collée contre ton ventre souple, je t’écoute raconter ta puissance, l’immensité de ton grand corps sans racines, étalé sur des kilomètres, gagnant patiemment du terrain sur le néant, ramenant la vie avec toi, dans tes creux humides et abrités, où des milliers de petits êtres peuvent se réfugier et grandir. Te voici immense comme une mer végétale, et tu fais onduler ta robe de lumière veloutée.

Je te vois maintenant sous les voiles où tu m’as accueillie, vulnérable et puissante. D’une force qui n’appartient qu’à toi et ne cherche pas à suivre les chemins des autres.

Partout autour de moi, j’entends parler de croissance et de développement personnel. De rêves à toucher, d’objectifs à atteindre, d’illuminations à chercher. Soyez heureux en dix leçons, cinq semaines pour trouver la sérénité, une santé parfaite en avalant chaque matin cette algue qu’on va chercher au bout du monde, devenez plus fort, plus calme, plus souple, plus drôle, attirez la prospérité vers vous, et neuf cents euros pour voir tous vos voeux se réaliser.

Je regarde la mousse. Elle ne cherche rien. Elle est ici, c’est tout. Tellement elle-même, tellement présente. Elle me repose du reste. Quand le ciel se gonfle de tempêtes, elle s’ouvre à la pluie. Puis se laisse dessécher quand l’eau manque. Elle avale la lumière des jours d’été. Elle attend dans la grande nuit polaire, sans broncher, le retour du soleil. Paisible obstinée. Les ténèbres se couchent sur elle et la terre s’éteint. Elle continue à son rythme, s’arrête et se repose, puis de nouveau suit son chemin étrange sur la roche noire et déchiquetée crachée par le volcan. Elle résiste vaillamment à la furie des vents islandais, ceux-là qui me font courber l’échine et tomber à genoux. Puis se fait souple sous ma main, comme une bouche de nourrisson, et je la sens sucer ma paume avec délectation. Harmonieuse dans ses paradoxes. Douce, éternellement .

Elle n’est rien d’autre qu’elle-même, une mousse patiente et calme, pas un chêne vigoureux aux racines profondes, pas un torrent impétueux et farouche, pas un nuage léger qui file au gré du vent. Juste la mousse qui s’étale sur les pierres sombres. Elle me dit d’écouter ma chanson unique.

Je reste longtemps allongée dans son écume de velours, je respire son parfum de terre et d’algue mêlées. L’océan gronde au loin, et cogne les falaises tourmentées, le vent siffle au-dessus ses langues de serpent. Tout à l’heure, j’irai me frotter à ses assauts, peut-être. Me faire bousculer à nouveau. Et tendre les bras vers le ciel. Mais pas tout de suite. Ici la vie est tranquille. Un berceau enchanté de tendresse. Dans la mousse d’Islande, je suis chez moi.

Voyagez dans notre galerie photo d’Islande

 

Poésie de janvier

Le chant de la neige

Soudain je suis là

Le chant de la neige sous les skis de randonnée

Comme une évidence, le souffle aussi,

Dans la poitrine, cette fraîcheur

Qui fait taire tout ce qui n’est pas ici.

Soudain les jambes et les bras

Respirent ensemble dans une même mélodie

Parfaite,

Respirent sous les arbres qui respirent.

La forêt est belle, nacre immobile jetée

Par-dessus ma tête, elle avance

Au rythme de la marche à skis,

Lente parfois, et parfois folle

Quand la neige siffle, là, sous le pied,

Au milieu du silence coupé.

La chienne va devant.

Son poil gonflé d’hiver glisse comme

Une ombre fauve sur la poudreuse

Je la rattrape dans les descentes

Mon rire aux pentes avalées

Et nous sommes ensemble alors

Gerbes joyeuses de neige, joues rouges, langue de feu,

Oreilles couchées dans le vent, le même plaisir

Animal. Et puis

Les hêtres longs courbés sur le chemin

Et ce soleil déteint qui perce la brume

Nous arrêtent

Nous parlent sous la bise, j’écoute

Leurs craquements graves dans mes os.

Le ciel ondule, ma voix s’enroule

Autour des troncs pâles, je réponds.

Je chante

Pour la forêt d’argent poudrée, pour la brume, pour la neige douce,

Pour le temps pendu au silence,

Pour ma chienne ébouriffée d’amour

Qui plante son museau dans la poudreuse.

Et je lève mon nez à la blancheur du ciel

Qui nous aime.

 

Texte et photo: Sandrine Booth

Newsletter Janvier 2020

Le vrai miracle est de marcher sur la terre

 

En ce début d’année et de nouvelle décennie, c’est le mot miracle que nous avons envie de partager avec vous. Et cette magnifique phrase du sage Rinzaï, Lin Tchi : « Le miracle n’est pas de marcher sur l’eau ou sur le feu, le vrai miracle est de marcher sur la terre. »

L’année 2019 a vu passer de nouveaux désastres écologiques et humains, les forêts d’Amazonie et d’Australie en feu, les images bouleversantes des koalas qu’on tente de sauver, des guerres et des populations meurtries qui nous rappellent le côté obscur de l’humanité, des conflits sociaux, des montées d’extrémisme, et toujours plus de peur et de pessimisme dans nos esprits. Il n’est pas simple de garder espoir pour notre planète en ce moment, et parfois on peut se sentir accablés, impuissants, démoralisés par ce qui se passe dans le monde et chez nous.

Quand cela nous arrive, quand le désarroi prend le-dessus, nous avons une solution toute simple : nous pouvons aller marcher sur la terre. Des pas pleins d’amour et de conscience, un souffle paisible, le cœur ouvert à toutes les merveilles du chemin. Car cela est là aussi, la terre est belle encore, et notre présence ici est un miracle. Il ne s’agit pas d’oublier ou de nier ce qui ne va pas, ce qui a été détruit et définitivement perdu par bêtise et inconscience, et les périls qui nous menacent. Juste regarder et chérir ce qui reste, en prendre soin, car c’est cette lumière-là qui nous donne le courage de changer les choses, d’y croire encore. Croire au miracle.

Croire que les hommes et les gouvernements vont s’éveiller et qu’un avenir radieux est possible pour notre planète, pour notre humanité.

 

Et tout commence par ce pas que nous faisons. Un pas solide et éclairé. Notre pas à nous. Quand on se met en chemin sans plus se soucier de savoir si les autres vont suivre. Quand on décide de poser des actes concrets pour la terre, que ce soit en changeant nos modes de consommation, en faisant davantage attention à nos déchets, en nous engageant dans des actions pour aider les autres, en essayant d’apporter de la bienveillance et de la joie autour de nous, en partageant ce que nous avons déjà appris. En cultivant la paix, l’amour, la joie en nous, au lieu d’attendre que cela tombe du ciel.

Un pas puissant. Car nous avons du pouvoir, un pouvoir immense, pour faire de ce monde un espace où il fait bon vivre. Chacun de nous porte en lui ce miracle. Il suffit d’y croire, il suffit d’essayer. C’est en nous que cela commence.

Le vrai miracle est de marcher sur la Terre. De nous souvenir qu’elle est vivante, précieuse, féconde. Que notre vie est un incroyable cadeau. Nous pouvons honorer ce temps qui nous est donné ici et choisir une vie riche, pleine de sens et de compréhension. Choisir la gratitude. Choisir la lumière.

Nous qui sommes photographes, nous savons à quel point le regard que nous portons sur le monde lui donne sa couleur, sa saveur, sa beauté. Nous savons aussi qu’on a vite fait de dériver vers un rapport de consommateur avec la nature, où l’on prend sans donner en retour. Il suffit que nous regardions profondément la nature pour sentir qu’elle nous regarde aussi. Il suffit d’écouter. La clé est dans cet échange, ce lien, cette conscience que nous ne sommes pas séparés de la Terre. Nous vous invitons à sortir à sa rencontre, aujourd’hui, dans les jours qui viennent. A marcher sur la Terre. Marcher vraiment, avec vos pieds et votre cœur, pas avec votre tête 😉 A voir l’extraordinaire richesse de la nature, à sentir que vous faites partie d’elle, comme une goutte d’eau fait partie de la rivière, comme une feuille fait partie d’un arbre. A vivre ce miracle-là. Qui est en effet bien plus puissant que celui de marcher sur le feu ou sur l’eau. Et peut-être aurez-vous envie de demander à la planète ce que vous pouvez faire pour elle. Et peut-être, aussi, sentirez-vous sur le chemin que vous n’êtes pas seuls à marcher. Que d’autres vont à côté, avec la même foi, le même amour, le même sourire. Soyez certains que nous serons de ceux-là.

Pour que chacun de nos pas sur terre puisse être un acte de guérison. Pour qu’ensemble nous puissions accomplir des miracles !

Nos images exposées dans une galerie d’art parisienne

Nous venons de signer un nouveau contrat avec une galerie d’art, et certaines de nos images seront exposées à la très belle galerie Sonia Monti dans le 8ème arrondissement de Paris, à partir du mois de février. Nous nous réjouissons de cette collaboration qui va nous permettre d’atteindre un public différent. Cette série d’images, toutes en flou, s’intitule « Troubles ».

 

 

Des images en douceur et en poésie, où le regard est une caresse glissée sur les contours du monde. Aux lisières du réel, on oublie la netteté des formes, qui parfois nous enferme, et on peut rencontrer l’âme de ce que l’on regarde: une forêt mystérieuse, une montagne qui soudain se dévoile, le souffle de l’océan. Tout est vivant, et… un brin magique.

Nous vous invitons à plonger vous aussi dans cet univers onirique et vibrant, où la nature est une mère tendre et sage. N’avez-vous jamais, quand vous étiez enfant, fermé à demi les yeux pour sortir des contours et voir autrement la beauté des choses. Laissez-vous troubler… Oubliez vos repères et ouvrez vos coeurs: l’univers entier vous parle!

Retrouvez toutes les images de cette série dans la galerie « Troubles »

Troubles

 

Voyage photo Islande

Un retour en mots et en images sur notre dernier voyage en Islande… Nous partageons avec vous un extrait inédit du récit poétique de Sandrine, « Lisières », et, en bas de page, nos dernières images de ce pays étrange et sauvage qui nous fait naviguer aux frontières du réel… Prochain départ avec un groupe en mars 2020!

 

LISIERES, marche islandaise entre les mondes (extrait)

Mon amour, on vivrait ici, oubliés dans les longs mois d’hiver. Les jours avanceraient en lents cortèges de vieillards blancs sur la terre désolée, la terre radieuse, la terre sauvage qui parle au-delà du temps. Tout serait très ancien, un monde bruissant d’histoires venues de loin, de dessous les grandes plaines torturées. Tout serait frais, figé dans une naissance éternelle. Et le ciel au-dessus, plissé, tordu, fendu de lueurs comme des cris, le ciel n’en finirait pas de raconter. On ne comprendrait pas tout mon amour, c’est une si vieille langue celle de la Terre. Mais on écouterait, sans fin. Notre pas grand ouvert. Et on laisserait la lumière entrer dans nos yeux.

On marcherait. Encore et encore. On traverserait les jours gris, les jours d’or, les jours blessés, les déserts de lave, les prairies de lune soufflée. Parfois sur tes genoux, tu déplierais une carte usée par le vent et la pluie, ton doigt suivrait les lignes et les courbes, et tu dirais qu’il est fou de vouloir emprisonner sur du papier les montagnes d’ici. Tu murmurerais les noms étranges des lieux, enroulés à ta bouche comme des incantations, mystérieux comme les vertes aurores. J’écouterais leur musique, je me laisserais emmener au navire de tes mots. Emmène-moi, emmène-moi à la lisère des mondes…

 

 

Nouvelle galerie d’images: « Troubles »

Nous avons le plaisir de partager avec vous cette toute nouvelle galerie d’images, où la poésie, la sensibilité, l’imaginaire, sont à l’honneur. Des images troubles et troublantes parfois, qui nous emportent par-delà les rivages de la réalité, pour mieux rencontrer l’âme des paysages, des arbres, de l’océan, et se rappeler que la Terre est vivante… Oubliez les chaînes de vos repères et laissez-vous emporter…

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