Je suis allée à l’Aubépine, celle qui
attend entre les mondes.
Je me tiens avec elle au seuil de la forêt
quand la nuit
à pas de loup
sort du souffle des arbres
pour s’étaler dans la prairie.
La première chouette allume
un frisson de lune.
Je me penche sous le vieux tronc craquelé
car elle ne te laisse pas debout l’Aubépine,
elle pousse sur ton dos et t’invite à t’asseoir pour
filer la laine blanche des heures
avec elle.
Blanche aussi la brume qui monte
et avale dans sa bouche lente
les fenêtres dorées de ma maison lointaine.
Es-tu prête ? me dit la vieille ensanglantée, puis
tout a disparu. Le silence
étendu aux branches ébouriffées
s’égoutte. J’écoute
les baies rouges tomber
doucement sur l’herbe givrée.
Tout bas je murmure le nom ancien de l’arbre
Huathe, Huathe,
apprends-moi vieille mère
dans la froide nuit d’hiver
comment aimer ce monde brûlant.
Comment
le traverser en tenant
des fruits tendres au milieu des épines.
Et puis, dis-moi,
peut-on avoir peur ?
Naturellement ! a ri l’ancienne
mais cela ne doit pas t’empêcher de fleurir.
Alors j’ai posé ma main sur la blessure
qu’elle a en bas du tronc,
et nous sommes restées longtemps
sans plus rien dire.
La brume est partie
accrochant ses jupons pâles
aux branches piquantes.
Au-dessus de ma tête, des étoiles mouillées
suspendues au vieil arbre
Se sont mises à sécher.