Je me suis couchée là, dans les feuilles d’automne,
Lovée en boule au milieu du taillis de hêtres,
Je me suis couchée comme font les biches,
Le sol lentement gratté, l’odeur de la terre,
Cette couche vivante où des êtres microscopiques, secrètement,
Recréent le monde,
Au pied du vieux sorbier qui ensanglante le ciel.
Je lui ai demandé de veiller sur moi – ainsi font les biches –
Mais n’ai pas eu le temps d’entendre sa réponse.
Je me suis laissée descendre comme une goutte de pluie
Dans ce creux ourlé d’ombre
Aux lèvres blondes de la clairière. Parfois
J’ai envie de bâtir des murailles de pierre
Alors qu’il suffit
D’un fourré léger et tranquille, où les mouches,
En noires armures, tournent.
J’ai dormi, confiante et vulnérable,
Comme font les biches.
J’ai goûté leur sommeil aux bras bruns de la terre.
Je les ai suivies à la lisière des mondes,
Tissant mes rêves au cri du pic noir,
Au parfum de l’humus, aux soubresauts
Du soleil de dix heures.
J’ai tiré sur moi la couverture des feuilles tintantes,
Des faînes poilues et du vent de septembre.
Je n’ai pas eu froid. Je n’ai pas eu peur, même quand
La terre a tremblé sous le sanglier.
Un lièvre, dans un cercle à côté s’est couché.
J’ai deviné les herbes sifflées aux flancs âcres du renard.
Et cru entendre le loup gris qui vit ici
Me regarder de ses yeux de silence.
Juste quand j’allais me réveiller, le pigeon ramier a murmuré
Sa berceuse rassurante
Prends ton temps je suis là, prends ton temps ça ira.
Alors
J’ai glissé ma main dans le drap doux des feuilles,
Bougé un peu dans ma couche chantante
Comme font les biches,
Et, doucement,
Commencé à lécher
Le sang de mes plaies.