La cascade et le saule
J’ai traversé la forêt sèche, aux silences suffoqués. As-tu vu les feuilles brunes ?
Les entends-tu tomber
Sur le chemin comme du papier froissé ?
Ce serait beau, ces feuilles, si c’était l’automne.
On est à peine au milieu de l’été.
Les gens boivent à la terrasse ombragée du café.
Ainsi font les hommes
Tandis que les arbres lentement meurent.
Et que les sources tarissent. As-tu déjà entendu le dernier souffle d’une source ?
La dernière note, définitive, d’un requiem…
Dans les maisons des riches et les bureaux on monte la clim,
Les centrales nucléaires tournent à plein régime
Et recrachent leurs eaux brûlantes
Aux rivières épuisées où flottent des poissons gris
Dont personne ne se soucie.
Et, partout, les usines font bouillir la planète
Continuant, inlassablement, d’envoyer leur haleine
Bruyante au firmament.
Mes yeux piquent, je suis allée à la cascade.
Elle laisse couler, encore,
Sur son grand ventre de mousse verte
Un sillon blanc d’espoir écumant.
Le saule d’argent qui la garde
Enfonce ses racines souples dans la roche.
Des libellules tatouent des spirales bleues sur le ciel tremblant de la canicule.
Tout est beau, tellement,
Que je me suis mise à pleurer.
J’ai mis mes mains dans l’eau glacée
Fait une prière pour que la pluie arrive
Et pour que mon cœur ne devienne pas sec,
Je n’aime pas ces fissures de colère
Qui grandissent là, les sens-tu toi aussi ?
Une prière au saule, pour qu’il m’apprenne à danser
Avec ce monde brûlant, ce monde aveugle,
Qui mène sa gigue endiablée
Dans les feuilles mortes de l’été
Et s’offre une dernière bière au bord du précipice.
Une prière aux libellules bleues
Pour qu’elles rattrapent ma joie envolée
Ma foi trébuchée.
Dis-moi, toi qui écoute, les aurais-tu
Par hasard
Croisées ?