Archives par mot-clé : voyage photo Islande

Une histoire de mousse en Islande

La mousse d’Islande, elle me parle d’abord de douceur. Ma main se pose sur elle, c’est bon, un accueil tiède et sans condition. Je crois que c’est la première chose que les autres voient en moi, la douceur. Je n’ai jamais appris cela, cette ouverture enveloppante, apaisante, moelleuse, c’est juste qui je suis. Ce n’est pas toujours facile, souvent j’aimerais être autre chose, j’aimerais des remparts solides autour, de hautes tours imprenables, des forêts d’épines, et un cœur moins sensible. Mais quand je me veux dure et ferme, je ne me reconnais plus.

Je marche à pas délicats sur la mousse, je fais attention à mes appuis, légère comme un souffle d’ange, et, malgré toute ma tendresse je la déchire parfois. Il me faut ôter mes chaussures, aller pieds-nus, infiniment lentement sur le tapis ondulant, et alors je peux me laisser recevoir sans la blesser. Mousse vulnérable. Encore, je me retrouve en elle.

Je me suis couchée là, ma joue sur sa caresse verte et je l’écoute me parler de la fragilité. Il suffit de gratter là du bout de l’ongle, à peine, pour t’arracher. Tu es sans racines, tu ne tiens en place que par ta faculté à embrasser le monde, une pierre, un bout de bois. Ici tu enveloppes la roche volcanique dure et noire, et, du champ de lave désolé, de ce chaos d’amertume figé, tu fais un berceau de douceur.

 

Fidèle à ta fragilité, tu restes collée à la terre, tu ne cherches pas à conquérir le ciel, à t’exposer à la violence du vent. Car c’est seulement lorsque tu es dans un environnement propice que tu peux déployer toute ta magie. L’oreille collée contre ton ventre souple, je t’écoute raconter ta puissance, l’immensité de ton grand corps sans racines, étalé sur des kilomètres, gagnant patiemment du terrain sur le néant, ramenant la vie avec toi, dans tes creux humides et abrités, où des milliers de petits êtres peuvent se réfugier et grandir. Te voici immense comme une mer végétale, et tu fais onduler ta robe de lumière veloutée.

Je te vois maintenant sous les voiles où tu m’as accueillie, vulnérable et puissante. D’une force qui n’appartient qu’à toi et ne cherche pas à suivre les chemins des autres.

Partout autour de moi, j’entends parler de croissance et de développement personnel. De rêves à toucher, d’objectifs à atteindre, d’illuminations à chercher. Soyez heureux en dix leçons, cinq semaines pour trouver la sérénité, une santé parfaite en avalant chaque matin cette algue qu’on va chercher au bout du monde, devenez plus fort, plus calme, plus souple, plus drôle, attirez la prospérité vers vous, et neuf cents euros pour voir tous vos voeux se réaliser.

Je regarde la mousse. Elle ne cherche rien. Elle est ici, c’est tout. Tellement elle-même, tellement présente. Elle me repose du reste. Quand le ciel se gonfle de tempêtes, elle s’ouvre à la pluie. Puis se laisse dessécher quand l’eau manque. Elle avale la lumière des jours d’été. Elle attend dans la grande nuit polaire, sans broncher, le retour du soleil. Paisible obstinée. Les ténèbres se couchent sur elle et la terre s’éteint. Elle continue à son rythme, s’arrête et se repose, puis de nouveau suit son chemin étrange sur la roche noire et déchiquetée crachée par le volcan. Elle résiste vaillamment à la furie des vents islandais, ceux-là qui me font courber l’échine et tomber à genoux. Puis se fait souple sous ma main, comme une bouche de nourrisson, et je la sens sucer ma paume avec délectation. Harmonieuse dans ses paradoxes. Douce, éternellement .

Elle n’est rien d’autre qu’elle-même, une mousse patiente et calme, pas un chêne vigoureux aux racines profondes, pas un torrent impétueux et farouche, pas un nuage léger qui file au gré du vent. Juste la mousse qui s’étale sur les pierres sombres. Elle me dit d’écouter ma chanson unique.

Je reste longtemps allongée dans son écume de velours, je respire son parfum de terre et d’algue mêlées. L’océan gronde au loin, et cogne les falaises tourmentées, le vent siffle au-dessus ses langues de serpent. Tout à l’heure, j’irai me frotter à ses assauts, peut-être. Me faire bousculer à nouveau. Et tendre les bras vers le ciel. Mais pas tout de suite. Ici la vie est tranquille. Un berceau enchanté de tendresse. Dans la mousse d’Islande, je suis chez moi.

Voyagez dans notre galerie photo d’Islande

 

Voyage photo Islande 2

Islande-0998

Elle patine sur le lac gelé,
Légère, le temps passe si vite,
Pourquoi s’encombrer de craintes ?
Elle glisse sans hésiter
Et laisse couler sur le silence immense
La cascade de son rire.
De temps en temps
Elle perd l’équilibre
Ses bras dansent dans l’air et déjà
Elle retrouve son pas
Souple et confiant
Sous le ciel paisible.
Elle patine, la glace chante
sa mélodie cristalline
piquée de craquements bleus.
Le lac, sous sa lourde croûte figée,
Ondule doucement, le soir vient.
File, file ma jolie patineuse,
N’écoute pas les voix enlisées
Qui veulent prévoir,
Qui pensent savoir,
Et regardent leur vie passer.
Glisse ma fragile, ma souriante,
ma bien-aimée téméraire !
Et si je te crie de faire attention…
Ris-moi au nez !

 

Voyage photo Islande 1

iceland-2017-b-9595

Islande, au milieu de nulle part…

Il y a d’abord la plaine immobile, saupoudrée de neige, qui s’étire à perte de vue comme un immense tableau abstrait. Arrêté là, tu n’oses pas avancer, tout est si pur, si beau. Mais il y a la courbe des montagnes au loin, comme un appel, et cet espace infini t’invite à marcher, tu n’y résistes pas…

La marche dans l’herbe qui s’enfonce sous les pieds, tapis floconneux qui accueille ton pas, c’est doux, le paysage défile lentement, et tu suis son rythme, à quoi bon se hâter. Pas de sentier, juste le désir de solitude et de sauvage. Et de silence. Un silence de naissance du monde. Comme si Dieu venait tout juste de créer cette beauté miraculeuse, et ne l’avait pas encore habillée de sons. Comme si c’était le premier jour, et que tu apportais le premier bruit, la prière discrète de ton pas qui se dilue dans l’immensité de la plaine. Tout commence ici, ton chemin est à écrire sur la terre tranquille qui te laisse tout l’espace. Tu savoures le vide en mettant un pied devant l’autre. Tu as encore du mal à y croire, mais tu es là. Sur la plaine immobile, il y a d’abord cela : le simple miracle d’être ici.