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Chroniques de la forêt enchantée 2

La suite de ces chroniques, récits de nos jours alanguis, loin de la civilisation, au coeur d’une forêt d’altitude du Vercors…

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S’éveiller au son des gouttes qui tombent sur le toit de la tente, la houle du vent va et vient, loin au-dessus. Berceuse du petit matin. Tirer doucement la fermeture de la moustiquaire pour ouvrir, comme on découvre un cadeau. Toujours couchée dans le sac de couchage, je sens d’abord la fraicheur de l’air, caresse sur les bras nus. Puis la lumière douce dans les yeux mi-clos, et la vision des troncs des hêtres léchés de brume. La mélodie marbrée de leur écorce pâle, les feuilles qui frémissent, comme c’est beau! A la lisière du sommeil, le corps chaud de mon amoureux blotti derrière moi, je laisse entrer la magie de ce nouveau jour. Réveil enlacé au parfum de pluie.

Plus tard… Le soleil a percé la brume et il fait danser des feuilles d’ombre sur les troncs, des feuilles dorées sur la toile du tarp, des feuilles soupirantes sur la peau à l’heure de la sieste. Le temps glisse. Nous nous aimons dans le souffle des arbres.

Puis, à la fin du jour, nous montons sur l’alpage. Nous gorger de lumière et d’espace. Les nuages ivres courent sur la lande, le soleil met de l’or dans les hautes herbes et dans les yeux radieux de mon homme, le monde est simple. Clarté infinie des plateaux ouverts. Nous croisons le regard délicieux d’un renardeau curieux avant de redescendre vers notre camp caché, dans l’obscurité de la forêt.
Là, c’est comme entrer dans un autre monde. En passant la lisière, je sens ma poitrine se serrer. Je regrette la lumière des sommets… Nous marchons en silence sous le murmure des arbres. C’est presque la nuit ici, une nuit étrange, inquiétante. Je ne reconnais plus le refuge tendre qui nous abritait tout à l’heure. Que sommes-nous venus faire là, dans ce lieu humide, froid, peuplé d’ombres mouvantes?… Un regard à Matt, comme un appel, mais son sourire décourageant d’homme des bois laisse ma question en suspens. Je le laisse préparer le repas du soir et me réfugie dans mon carnet, dans la lumière des mots…

Quand nous sommes arrivés sur ce plateau du Vercors, il y a bientôt dix ans, c’est toujours les sommets, les crêtes, la clarté des alpages que nous recherchions. C’est là que nous plantions la tente, sous la voûte immense des étoiles, et, inlassablement nous nous saoulions d’espace. La forêt, elle n’était là que pour être traversée, elle apportait son ombre fraîche entre deux chemins écrasés de soleil, elle était le répit à la violence des vents d’hiver, l’entracte poétique au milieu des grandioses jeux de lumière des plateaux. Jamais le but de nos sorties. Qui peut être assez fou pour décider de s’installer au coeur d’une sombre hêtraie? La forêt n’est-elle pas le refuge des maudits, des sorcières, des exclus de toutes sortes et des ogres endormis? Monde obscur peuplé de fantômes… C’est là que les voyageurs se perdent et que les petits enfants se font abandonner. Dans l’imaginaire des hommes elle reste l’inquiétant royaume des bêtes et des anciens dieux.
Alors oui, on préfère la traverser en sifflotant, par une belle journée d’été, et on évite de s’y attarder les jours de brouillard et les nuits de pleine lune… Pourtant…
Pourtant je sens confusément, depuis de longs mois, comme un appel vers les profondeurs secrètes de la forêt. Un besoin irrésistible de m’y attarder. De m’y enfoncer. Comme s’il y avait quelque chose à trouver ici, dans l’ombre ondulante des arbres. Par-delà les vieilles peurs et les récits tremblants de l’enfance. L’intuition que c’est ici, dans ce monde enchevêtré de bois vivant et mort, de racines tortueuses et de feuilles fragiles, de troncs caressés par les siècles, de grouillements d’insectes et de chants insouciants d’oiseaux, dans cet ultime refuge de la faune sauvage éternellement évité par les hommes, qu’il faut venir se poser. S’interroger. Descendre dans les profondeurs silencieuses de la forêt vers le secret du monde.

Je descends. Je laisse glisser les émotions des contes oubliés, les anciennes peurs diluées dans mes gènes. Je descends tout au fond. Silencieuse intériorité, berceau de l’âme sagement gardé par les vieux hêtres. Laisser aller la crainte et marcher dans la forêt vibrante. Les dernières lueurs du jour frémissent à travers les feuilles. Sous mes pieds la terre vit. Avancer en confiance et abandonner le reste. Je descends. Tout au fond d’elle. Au fond de moi. Loin. Il fait nuit, les branches craquent et l’imagination s’envole, chaque pas fait surgir un nouveau fantôme. Le regarder avec douceur et curiosité, comme ces minuscules bestioles qui vivent sous les feuilles mortes. Et le laisser s’évanouir. Je descends, les sens en éveil, le coeur ouvert. Dans la nuit de la forêt. Le berceau de nos âmes.

Sensations, le livre

Nous sommes très heureux de vous annoncer la sortie de notre livre, Sensations, en novembre 2016. 

Ce livre, nous l’avons laissé mûrir, patiemment, au rythme lent de la nature, loin de la fièvre des hommes. Il avait besoin de temps. Il avait besoin d’espace. Et le voici qui prend vie, tissé d’images et de mots. Nous l’avons voulu unique et précieux, à l’image des instants cueillis au fil de nos marches et immersions dans la nature.

Sensations 2bNous vous présentons le livre en détail ici:

Présentation du livre Sensations

Il vous est possible aussi de le pré-commander à partir de la page de présentation. Cela vous permettra de réserver l’un des exemplaires édités en série limitée et numérotée et d’avoir une dédicace personnalisée.

Nous remercions tous ceux qui nous ont apporté leur soutien, leurs encouragements et leur enthousiasme ces dernières années: c’est ce magnifique élan qui a permis la publication de ce magnifique livre!

 

Sensations… naissance d’un livre sur le Vercors

Notre livre sur le Vercors est en train de voir le jour. Il évoquera les moments vécus au coeur de cette nature sauvage qui nous est chère, et les ambiances poétiques et mystérieuses que nous aimons.

 

Sensations…
« C’est par là que tout commence et c’est là qu’il faut revenir, toujours. »
Ce sont les premiers mots de notre livre, qui sortira à l’automne prochain. Un livre comme une quête, qui raconte nos chemins lumineux dans les plateaux sauvages du Vercors. Des chemins où chaque pas est une invitation à ressentir la vie. Sa beauté sereine. Son mystère.
Ce livre, nous l’avons laissé mûrir, patiemment, au rythme lent de la nature, loin de la fièvre des hommes. Il avait besoin de temps. Il avait besoin d’espace. Et le voici qui prend vie, tissé d’images et de mots. Dans les presses de l’imprimeur, la couverture s’esquisse, elle sera une caresse…
Une dernière sortie dans la forêt enroulée de brume, comme une ultime touche de couleur sur la toile d’un peintre, un frisson qui caresse la peau. Un nouvel instant à vivre.
Dans le silence des arbres engloutis naissent les dernières phrases du livre.
Sensations…
C’est son nom.

Bivouac sous la pleine lune

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Sous la lune ronde nous marchons. Nos raquettes froissent le silence. Sous nos pieds, la lumière, irréelle, semble naître de la neige. Nos ombres bleues s’allongent et glissent sur le Plateau pâle figé par le froid. Le froid… Sentir son souffle sur le visage.
De temps en temps nous rencontrons la silhouette fantomatique d’un hêtre isolé, qui enroule ses branches vers le ciel. S’appuyer un instant contre lui, la tête abandonnée sur la courbe de son tronc rugueux. Puis repartir en gardant sa force sereine.
Tout est calme, nous nous taisons. Le temps s’engourdit. Ne plus penser à rien.
Nous marchons au fil des empreintes de lièvre ou de renard, leurs sillons s’entrecroisent en signes mystérieux que nous suivons jusqu’au vallon tranquille.

Là, dans la nuit saupoudrée d’étoiles, le tipi luit, minuscule luciole entourée par le corps ondulant du bois d’épicéas. Et le monde tout autour. Immense. Retrouver le parfum du feu, sa fumée monte comme une prière vers la lune. Notre prière… Que vouloir de plus que ce que nous avons? Tout est là.
Loin, très loin, dans une autre existence qui ne semble plus la nôtre, des centaines d’objets s’entassent et nous attendent. Ils sont censés nous simplifier la vie. Ils nous la font oublier. Ne plus oublier. Que tout est là.

Attraper ta main chaude en avançant vers la lumière dorée du tipi et, juste avant d’entrer, goûter une dernière fois l’air glacé dans la gorge. Et le bleu de la nuit.

 

Beneath the starry silence, shadows retreat, helpless to resist the advancing full moon. A pale eerie light rises from the snow-covered plateau. Twisted streching shadows of a projected beech branch intertwine with a meandering fox trail. Brief sketches of animal and plant life jotted down on winter’s ephemeral white sheet.

A bluish smokey column streams upwards from our glowing tipi, contrasting sharply with the dark outline of our spruce backdrop.

We step into the tent where waves of heat wash over us to the rythmn of the flaming logs. Back to basics. Warmth, shelter, food and sharing each other’s company. This is what we find in this winter wilderness. Life is simple here. And it is real

Strech out our numbed fingers to the glowing stove.
Drift into the intermittant sleep of outdoor nights.
Awaken to the noisy flight of a crow beating his wings
safe in the knowledge his prey will not flee.
And open the tent to a new day.
Should we stay?

Prochain stage photo nature: le Grand Blanc, la magie de l’hiver sur le Vercors

Notre prochain stage photo, Le Grand Blanc, approche, les premières neiges sont tombées sur le Vercors, nous retrouvons ces ambiances féériques, parfois lunaires, parfois austères, parfois poétiques que nous aimons tant et nous vous invitons à venir les savourer à nos côtés le temps d’un week-end. Il reste encore deux places.

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Une image, un poème…

Lors de notre exposition « à fleur de brume »  fin novembre à Montier-en-Der, vous êtes nombreux à avoir été touchés par les textes présentés avec les images. Nous vous remercions une nouvelle fois d’avoir partagé avec nous vos émotions, de nous avoir parlé sur le stand, d’être venus vous livrer un peu…

Certains des poèmes présentés étaient inédits, et n’avaient jamais été publiés. Pour vous remercier de vos touchants retours, nous en partageons un avec vous sur ce blog… en attendant la publication de notre livre…

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Hier, dans le silence de la brume
je suis passée t’en souviens-tu?
Nous avons partagé un infime instant de vie
et quelques atomes d’air.
Nous goûtions l’un et l’autre le parfum de la forêt,
au creux de moi, lentement,
mon petit grandissait, et toi
tu m’as regardée sans bouger, puis tu m’as laissée
m’enfoncer doucement dans le brouillard d’automne.

Ce matin
Couchée sur le flanc, j’attends
la dernière balle.
La forêt hurle sous tes chiens, les feuilles affolées
s’envolent en gerbes rouges et crissantes.
Tu dis que c’est ainsi depuis la nuit des temps,
sans cesse vous nous rappelez
que la vie ne tient qu’à un fil
d’araignée
pour mieux vous-mêmes l’oublier.
Mais dans la nuit des temps
vous étiez bien moins forts, et la mort
n’était pas un loisir encore.

Mon petit ne verra pas
la lumière du mois de juin
le vert de l’herbe si vif qu’il brûle presque les yeux,
les diamants de soleil versés sur l’eau des mares.
Et toi, seras-tu encore là?
Sous les cognements de mon coeur
j’entends maintenant
le bruit de tes pas.

Stage photo nature Echappée Belle

De beaux moments de partage sur les Plateaux du Vercors qui commençaient à se couvrir d’or ces 3 et 4 octobre 2015. Nous avons eu une météo très automnale, la pluie a bercé nos pas toute la première journée, et elle a été remplacée le lendemain par des lumières pures et douces qui ont fait la joie de tout le monde. Merci aux personnes qui sont venues se joindre à nous pour ce week-end, ce furent des moments forts et heureux, pleins de beauté, d’humanité, comme nous les aimons!

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stage photo nature « Echappée Belle »

Le stage photo nature « Echappée Belle » des 3 et 4 octobre 2015 est désormais complet. Nous nous réjouissons de partager les merveilleuses ambiances de l’automne sur le Vercors avec les personnes inscrites. Déjà, les premières brumes arrivent, déjà, les couleurs des arbres changent doucement, et dans la forêt le brame du cerf commence à résonner. La magie est là… Il n’y a plus qu’à regarder, écouter, sentir…

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Solstice d’été

 

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C’est le solstice d’été.
Dans les herbes le soleil,
nonchalant,
traîne
comme un pianiste égaré.
On a planté la tente
sous la longue et lourde branche
d’un vieux hêtre tortueux.
Elle tremble sous le vent,
vénérable vulnérable,
mais résiste quand
ma fille aux cheveux emmêlés grimpe sur elle,
s’entortille et l’enlace et se couche sur elle
en l’appelant grand-mère.
On les laisse,
l’enfant sauvage et l’arbre sage,
pour traverser la clairière
et s’allonger dans le parfum doré
des graminées.
Le vent souffle sur elles
sa chanson endiablée
et le reste
enfin
se tait.
Dans la forêt les dernières perles de lumière
ruissellent
sur les feuilles tremblotantes des hêtres
la mousse des troncs les cheveux blonds
de notre enfant,
ruissellent et s’évanouissent
comme un enchantement.
Puis près de la tente,
sous la vieille branche noueuse,
les gestes simples et familiers,
les gestes lents et sages du repas qu’on prépare,
tandis que le réchaud siffle et chasse
le froid des premières ombres,
tandis que,
dans la clarté irréelle de la clairière abandonnée,
les biches une à une avancent
inquiètes et farouches,
sauvagement belles.
Elles partagent avec nous le vent,
le sucre crissant de l’herbe d’été,
partagent avec nous la terre,
la tiédeur douce et mouillée de la terre,
où les racines du vieux hêtre creusent
et s’enfoncent et se ramifient
avec une lenteur infinie,
juste là sous la tente
où notre fille, dans nos bras, s’est endormie.

 

Stage photo nature Rêves Nomades

 Notre prochain stage photo, « Rêves Nomades », qui se déroulera les 10, 11 et 12 juillet prochains, est désormais complet. Nous sommes heureux de pouvoir partager avec les personnes inscrites ces quelques jours en itinérance et en autonomie totale, au coeur de la réserve naturelle des Hauts-Plateaux. Des moments forts à vivre et à photographier!

 

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